Méthanisation à Centrès : un exemple à suivre ?
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Pour une méthanisation à taille humaine, locale, et utile au territoire

La production de biogaz par méthanisation connaît actuellement une croissance exponentielle en France, étant passée de 1 TéraWatt-heure (TWh) en 2007 à 7 TWh en 2019. Si la méthanisation participe aux objectifs de la France en matière de développement des énergies renouvelables, les projets de plus en plus nombreux et la taille démesurée de certaines installations entraînent de nombreuses nuisances et des risques non négligeables. Cela se traduit par une méfiance voire une hostilité grandissante – et bien compréhensible – des populations à l’égard de la méthanisation.

Pour les écologistes et une grande partie de français, c’est une évidence, il faut sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. Pour répondre à ce défis, une transition profonde et rapide de notre système énergétique carboné, non renouvelable et dispendieux vers un modèle fondé sur la sobriété et des ressources renouvelables est nécessaire. Ainsi, nous aurons besoin d’une dose de méthanisation dans le mix énergétique de demain, mais pas à n’importe quel prix. Les écologistes défendent une méthanisation à taille humaine, locale, et utile au territoire et à ses habitants.

En Aveyron, nous avons entamé un travail de fond sur la méthanisation agricole en allant à la rencontre de nombreux acteurs. Il y a plusieurs semaines, nous rencontrions le collectif “Bozouls un village” pour dénoncer à leurs côtés un projet de méthaniseur industriel sur la commune de Bozouls. Dernièrement, nous avons rencontré Madame Nadine Vergnes, Maire de Centrés, ainsi que des agriculteurs et des citoyens, acteurs d’un projet de méthaniseur.

A Centrès, 26 agriculteurs et des citoyens, réunis en société à gouvernance coopérative, développent avec le soutien des élus un projet de méthanisation pour valoriser localement leurs fumiers et des déchets verts locaux. Nous saluons leur démarche, et suivrons attentivement ce projet qui, selon nous, répond à tous les critères d’une méthanisation durable :

  • Être adaptée à la taille des élevages ou du territoire concerné

Le projet de méthaniseur de Centrès est un projet à taille humaine, qui implique une vingtaine d’exploitations agricoles ainsi que des citoyens et des collectivités locales.  Le méthaniseur est dimensionné pour être autonome en fumiers (10 000 tonnes/an) et déchets verts (1000 tonnes/an) grâce aux exploitations agricoles parties prenantes du projet. Aucune importation d’intrants ne sera nécessaire.

  • S’inscrire dans une approche territoriale, construite avec les habitants

Le projet émane d’une volonté citoyenne et est maîtrisé de A à Z par les agriculteurs, les citoyens, et les collectivités engagés dans la démarche. Chaque décision au sein de la société à gouvernance coopérative est prise sur le principe “ 1 personne = 1 voix “. Plusieurs consultations, visites, rencontres et stages ont eu lieu pour former et informer. L’association Centrès Agri-Énergie est créée en 2010 pour assurer la sensibilisation et la mobilisation autour des énergies renouvelables.

  • Être d’intérêt général et non spéculatif

Le projet de Centrès regroupe une vingtaine de petites exploitations agricoles (45 hectares en moyenne) ainsi que des citoyens et des collectivités locales (commune de Centrès, Communauté de Communes du Naucellois, PETR Centre et Ouest Aveyron). La centrale est dimensionnée par rapport à la ressource locale et non pour répondre à des intérêts spéculatifs. Les éleveurs qui portent le projet veulent avant tout pérenniser leurs fermes en allégeant le travail de stockage et d’épandage du fumier, et en limitant leur dépendance aux engrais azotés.

  • La distance parcourue par les intrants ne dépasse pas 10 km

Les exploitations agricoles d’où proviendront les matières méthanisées sont toutes situées à moins de 5 km du site.

  •  Ne concurrence pas la production agricole alimentaire

Le projet de Centrès est dimensionné pour utiliser du fumier à 95%. L’objectif est de ne consommer aucune culture intermédiaire. Les 5% restants représentent 1000 tonnes de déchets verts issus des collectivités locales.

  • Ne légitime pas l’agriculture intensive et encourage des pratiques vertueuses

Le digestat issu de la production de biogaz permettrait de remplacer environ 50% des engrais azotés. Selon les agriculteurs impliqués dans le projet, l’utilisation du digestat permettra également de réduire l’utilisation d’herbicides car la méthanisation détruit les graines présentes dans le fumier. Les fermes impliquées sont de petites exploitations familiales, qui en moyenne font 45 hectares et ne dépassent pas 70 hectares. La très grande majorité de ces fermes participent à des labels de qualité (Veau d’Aveyron, AOP Roquefort). Une ferme est labellisée en agriculture biologique et deux autres sont en conversion.

  • Prendre en compte son environnement (ressource en eau, biodiversité, voisinage…)

L’unité de méthanisation de Centrés se situera à plus de 600 mètres de toute habitation, limitant les nuisances pour le voisinage. Par sa localisation et sa petite taille, le projet nécessite aucun aménagement routier. L’emprise du projet ne dépassera pas 1 hectare et les arbres et haies présents sur le site seront conservés. Plusieurs terrains ont été visités pour implanter l’unité de méthanisation afin de limiter au maximum les conséquences sur l’environnement. En 2013, ces visites ont permis l’identification et la protection d’une zone humide. Les porteurs de projet souhaitent utiliser une technologie à voie sèche discontinue ou à voie sèche continue afin d’épargner la ressource en eau. Il ne sera pas nécessaire d’ajouter de l’eau au processus de méthanisation et le digestat produit sera 100% solide. Le digestat solide est meilleur pour les sols et l’environnement.

  • Gérer durablement le digestat issu de la production de biogaz

Le digestat issu de la production de biogaz sera épandu à proximité de l’unité de méthanisation : 87 % des parcelles sont situées à moins de 5 km du terrain, et seulement 1,5% sont situées à 10 ou 15 km. La zone d’épandage est la même que celle actuelle du fumier. L’objectif n’est pas d’épandre plus d’azote mais de remplacer 50% des engrais azotés par le digestat. La centrale de Centrès produira du digestat solide qui est meilleur pour les sols et l’environnement. En partenariat avec la Chambre d’agriculture, plusieurs analyses de sol seront réalisées sur plusieurs années et sur 22 localisations différentes pour optimiser les pratiques d’épandage.

  Ainsi, à l’inverse de Bozouls ou Montbazens, le projet de méthaniseur de Centrès semble répondre aux critères d’une méthanisation durable et utile au territoire. Bien souvent, les pouvoirs publics préfèrent soutenir la méthanisation industrielle, déconnectée des besoins réels des agriculteurs et des citoyens, au lieu d’encourager les projets à taille humaine comme celui-ci. Nous saluons les élus, agriculteurs et citoyens engagés dans le projet de Centrès, en espérant qu’ils inspireront le reste du territoire Aveyronnais.